Dans L’homme et son image, La Fontaine rend hommage à la poétique des Maximes, en mettant en scène par une figuration allégorique leur protocole de réception. Pourtant, le fabuliste marque à la fois la proximité et la distance entre le monde des Fables et celui des Maximes. Si l’anthropologie qui fonde les deux oeuvres est à peu près la même, la relation au lecteur est bien différente. Le lecteur de La Rochefoucauld est d’une certaine manière pris au piège, séduit par la beauté esthétique, par la rhétorique aveuglante des maximes pour être ensuite confronté à une représentation quasi insoutenable de lui-même. L’homme et son image se clôt précisément sur ce face-à-face horrifié: Narcisse paralysé par le reflet de son image nue. Cette conclusion remarquable évoque l’alliance paradoxale, réalisée par La Rochefoucauld, entre la rigueur formelle, l’éclat du style et une vision exceptionnellement dysphorique de la condition humaine, présentée sans ménagements au destinataire. La fable montre une plus grande indulgence pour ses lecteurs, car elle a recours au voile de l’allégorie, à la fiction enfantine des animaux humanisés, qui leur assure un plaisir régressif voilant d’une fiction badine l’image déplaisante de l’âme humaine qu’elle véhicule. Ce texte, pourtant, n’articule pas l’hommage uniquement au niveau du contenu, mais aussi au niveau de la forme. La Fontaine est maître dans les contaminations subtiles entre les genres: ici, il mime l’effet et le fonctionnement de la maxime en contaminant la fable avec des genres proches comme l’épigramme et l’emblème.

In L’homme et son image, La Fontaine celebrates the poetics of La Rochefoucauld’s Maximes, showing through an allegoric image their modality of fruition. Nevertheless, the fabulist points out at the same time the proximity and the distance between the Fables and the Maximes. If the anthropology that builds the two books is more or less the same, the relation that each of them establishes with the reader is very different. La Rochefoucauld’s reader is in a way enthralled, seduced by the aesthetic beauty, by the blinding rhetoric of the Maximes just to be confronted with an almost unbearable representation of himself. L’homme et son image ends precisely on this horrified face-to-face: Narcissus paralysed by the reflection of his own “naked” image. This remarkable conclusion evokes the paradoxical alliance, accomplished by La Rochefoucauld, between the formal perfection, the witty style and an exceptionnaly dysphoric vision of human condition, presented in straightforward way to the reader. The fable shows a greater indulgence to its public, because it resorts to the allegoric veil, the childish fiction of humanized animals, that grants a regressive pleasure veiling with an enjoyable fiction the displeasing image of human soul it conveys. This text, however, doesn’t celebrate the Maximes only for their subject-matter, but also on a formal ground. La Fontaine is a past master in the art of subtle contaminations between the genres: here, he evokes the effect of the aphorism by contaminating fable with some related genres as the epigram and the emblem.

Narcisse et la chimère: la maxime au miroir de la fable

Corradi, Federico
2015-01-01

Abstract

In L’homme et son image, La Fontaine celebrates the poetics of La Rochefoucauld’s Maximes, showing through an allegoric image their modality of fruition. Nevertheless, the fabulist points out at the same time the proximity and the distance between the Fables and the Maximes. If the anthropology that builds the two books is more or less the same, the relation that each of them establishes with the reader is very different. La Rochefoucauld’s reader is in a way enthralled, seduced by the aesthetic beauty, by the blinding rhetoric of the Maximes just to be confronted with an almost unbearable representation of himself. L’homme et son image ends precisely on this horrified face-to-face: Narcissus paralysed by the reflection of his own “naked” image. This remarkable conclusion evokes the paradoxical alliance, accomplished by La Rochefoucauld, between the formal perfection, the witty style and an exceptionnaly dysphoric vision of human condition, presented in straightforward way to the reader. The fable shows a greater indulgence to its public, because it resorts to the allegoric veil, the childish fiction of humanized animals, that grants a regressive pleasure veiling with an enjoyable fiction the displeasing image of human soul it conveys. This text, however, doesn’t celebrate the Maximes only for their subject-matter, but also on a formal ground. La Fontaine is a past master in the art of subtle contaminations between the genres: here, he evokes the effect of the aphorism by contaminating fable with some related genres as the epigram and the emblem.
2015
Dans L’homme et son image, La Fontaine rend hommage à la poétique des Maximes, en mettant en scène par une figuration allégorique leur protocole de réception. Pourtant, le fabuliste marque à la fois la proximité et la distance entre le monde des Fables et celui des Maximes. Si l’anthropologie qui fonde les deux oeuvres est à peu près la même, la relation au lecteur est bien différente. Le lecteur de La Rochefoucauld est d’une certaine manière pris au piège, séduit par la beauté esthétique, par la rhétorique aveuglante des maximes pour être ensuite confronté à une représentation quasi insoutenable de lui-même. L’homme et son image se clôt précisément sur ce face-à-face horrifié: Narcisse paralysé par le reflet de son image nue. Cette conclusion remarquable évoque l’alliance paradoxale, réalisée par La Rochefoucauld, entre la rigueur formelle, l’éclat du style et une vision exceptionnellement dysphorique de la condition humaine, présentée sans ménagements au destinataire. La fable montre une plus grande indulgence pour ses lecteurs, car elle a recours au voile de l’allégorie, à la fiction enfantine des animaux humanisés, qui leur assure un plaisir régressif voilant d’une fiction badine l’image déplaisante de l’âme humaine qu’elle véhicule. Ce texte, pourtant, n’articule pas l’hommage uniquement au niveau du contenu, mais aussi au niveau de la forme. La Fontaine est maître dans les contaminations subtiles entre les genres: ici, il mime l’effet et le fonctionnement de la maxime en contaminant la fable avec des genres proches comme l’épigramme et l’emblème.
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