Introduite vers le XVe siècle à la suite des migrations et de l’établissement des groupes islamiques sur les rives du fleuve Matatàña, la tradition écrite sorabe constitue la première littérature autochtone malgache. Elle contient un patrimoine de données historico-généalogiques et médico-magiques uniques en son genre, résultant d’un profond syncrétisme entre la variété des cultures de l’océan Indien et les particularismes du groupe antemoro. Investis d’une valeur sacrée et d’un fort capital symbolique, les manuscrits arabico-malgaches et les connaissances qu’ils contiennent ont été transmis, de génération en génération, à travers les siècles grâce à un travail permanent de copie des textes et d’ajouts mené par un nombre restreint d’initiés. La littérature arabico-malgache devint donc l’apanage d’un nombre restreint de privilégiés et un instrument socio-politique utilisé comme moyen de légitimation des privilèges et des prérogatives réservés aux classes dominantes antemoro. Fabriqués artisanalement, les manuscrits sorabe sont aujourd’hui conservés à divers endroits, et répartis entre des collections privées dans le sud-est de Madagascar et les Archives et Bibliothèques européennes et malgaches. Bien qu’ils constituent un patrimoine d’une richesse culturelle et historique indubitable, les difficultés d’accès pratique et linguistique n’ont pas favorisé l’approfondissement des études dans cette direction, au point que le contenu des textes sorabe demeure à ce jour largement inexploré. Le fait qu’il s’agisse d’une littérature ésotérique visant à maintenir un cadre politique et social précis n’a certainement pas facilité l’apprentissage de l’arabico-malgache, la diffusion des textes, la compréhension de leur contenu et, en conséquence, leur traduction et ouverture à un plus large public. Le but de la communication sera donc celui de mettre en valeur, dans le cadre de la littérature malgache, la place de cette tradition écrite, qui peut être considérée, au même temps, ancienne et contemporaine, en raison de sa nature. Elle transmet, en fait, une tradition fixée qui est pourtant objet d’une manipulation continuelle et d’un enrichissement d’évènements plus récents par les katibo. L’exemple du manuscrit HB 6 de l’ASOM sera fort utile pour mieux comprendre ces affirmations par une perspective anthropologique sur l’interaction entre la mémoire écrite, orale et l’incorporation de la mémoire.

Le sorabe et le katibo. Au carrefour entre passé et présent dans la tradition arabico-malgache sorabe

Neposteri Silvia
2024-01-01

Abstract

Introduite vers le XVe siècle à la suite des migrations et de l’établissement des groupes islamiques sur les rives du fleuve Matatàña, la tradition écrite sorabe constitue la première littérature autochtone malgache. Elle contient un patrimoine de données historico-généalogiques et médico-magiques uniques en son genre, résultant d’un profond syncrétisme entre la variété des cultures de l’océan Indien et les particularismes du groupe antemoro. Investis d’une valeur sacrée et d’un fort capital symbolique, les manuscrits arabico-malgaches et les connaissances qu’ils contiennent ont été transmis, de génération en génération, à travers les siècles grâce à un travail permanent de copie des textes et d’ajouts mené par un nombre restreint d’initiés. La littérature arabico-malgache devint donc l’apanage d’un nombre restreint de privilégiés et un instrument socio-politique utilisé comme moyen de légitimation des privilèges et des prérogatives réservés aux classes dominantes antemoro. Fabriqués artisanalement, les manuscrits sorabe sont aujourd’hui conservés à divers endroits, et répartis entre des collections privées dans le sud-est de Madagascar et les Archives et Bibliothèques européennes et malgaches. Bien qu’ils constituent un patrimoine d’une richesse culturelle et historique indubitable, les difficultés d’accès pratique et linguistique n’ont pas favorisé l’approfondissement des études dans cette direction, au point que le contenu des textes sorabe demeure à ce jour largement inexploré. Le fait qu’il s’agisse d’une littérature ésotérique visant à maintenir un cadre politique et social précis n’a certainement pas facilité l’apprentissage de l’arabico-malgache, la diffusion des textes, la compréhension de leur contenu et, en conséquence, leur traduction et ouverture à un plus large public. Le but de la communication sera donc celui de mettre en valeur, dans le cadre de la littérature malgache, la place de cette tradition écrite, qui peut être considérée, au même temps, ancienne et contemporaine, en raison de sa nature. Elle transmet, en fait, une tradition fixée qui est pourtant objet d’une manipulation continuelle et d’un enrichissement d’évènements plus récents par les katibo. L’exemple du manuscrit HB 6 de l’ASOM sera fort utile pour mieux comprendre ces affirmations par une perspective anthropologique sur l’interaction entre la mémoire écrite, orale et l’incorporation de la mémoire.
2024
978-2-9575853-1-1
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