Dans l’Europe catholique du début de l’époque moderne, certains théologiens ont imaginé et légitimé la possibilité qu’un monopole puisse être combattu par un monopole de même force mais de sens contraire. Les dynamiques de marché furent ainsi décrites en empruntant à la pensée politique le principe du droit de résistance. Dans les sociétés d’Ancien Régime, le monopole, habituellement associé aux formes d’accaparement dont le but était de créer la pénurie et de provoquer la cherté, était précisément l’un des crimes dont il fallait défendre le marché et ceux qui y opéraient. Les monopoleurs pouvaient être un ou plusieurs marchands et il était indifférent que ces comportements relèvent des acheteurs ou des vendeurs. On s’y référait normalement avec le terme de « conspiration », chargé d’une évidente connotation politique. Il s’agissait d’un crime mais aussi d’un pêché, d’un acte de violence et de l’une des principales formes de violation du principe de justice commutative. On pensa cependant qu’il était moralement acceptable de neutraliser le monopole par une action de même nature. L’idée ne demeura pas dans le domaine étroit de la théologie mais elle fut reprise par les juristes. Ainsi le marché, lieu de règles et de justice et forum où les biens recevaient un prix, commença à être aussi conçu comme un espace où il était possible de se défendre de ceux qui en manipulaient le fonctionnement, en employant les mêmes armes criminelles.

Vices tyranniques. Re´sistance au monopole, ide´ologie et marche´ a` l’aube de la modernite´

ROSOLINO, RICCARDO
2013-01-01

Abstract

Dans l’Europe catholique du début de l’époque moderne, certains théologiens ont imaginé et légitimé la possibilité qu’un monopole puisse être combattu par un monopole de même force mais de sens contraire. Les dynamiques de marché furent ainsi décrites en empruntant à la pensée politique le principe du droit de résistance. Dans les sociétés d’Ancien Régime, le monopole, habituellement associé aux formes d’accaparement dont le but était de créer la pénurie et de provoquer la cherté, était précisément l’un des crimes dont il fallait défendre le marché et ceux qui y opéraient. Les monopoleurs pouvaient être un ou plusieurs marchands et il était indifférent que ces comportements relèvent des acheteurs ou des vendeurs. On s’y référait normalement avec le terme de « conspiration », chargé d’une évidente connotation politique. Il s’agissait d’un crime mais aussi d’un pêché, d’un acte de violence et de l’une des principales formes de violation du principe de justice commutative. On pensa cependant qu’il était moralement acceptable de neutraliser le monopole par une action de même nature. L’idée ne demeura pas dans le domaine étroit de la théologie mais elle fut reprise par les juristes. Ainsi le marché, lieu de règles et de justice et forum où les biens recevaient un prix, commença à être aussi conçu comme un espace où il était possible de se défendre de ceux qui en manipulaient le fonctionnement, en employant les mêmes armes criminelles.
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